Bien que le mot ne se retrouve guère dans
le langage de son époque, Emilie Tavernier-Gamelin, cette première bienheureuse
montréalaise, s'est laissée transformer par les événements, tout au long des
diverses étapes de sa vie.
Orpheline de mère à l'âge de quatre ans,
Émilie se voit transplantée chez une tante paternelle; elle doit s'adapter à un
autre milieu de vie, à d'autres habitudes. Les deuils successifs déciment sa
famille, mais l'amour du pauvre inculqué par sa mère reste bien ancré dans son cœur.
Jeune fille, elle rêve de fonder un foyer bien à elle...
Le 4 juin 1823, Émilie Tavernier unira sa destinée
à Jean-Baptiste Gamelin, reconnu pour son action charitable : « ils seront deux maintenant pour exercer la
charité ».Trois enfants naissent de cette union; les deux premiers décèdent après trois mois d'existence; à son tour,
le mari succombe le 1er octobre 1827, et son dernier enfant meurt, le 28
juillet 1828, avant d'atteindre ses deux ans.
Émilie voit son rêve s'anéantir... Elle reste
seule, avec un jeune handicapé mental, légué par son mari qui lui devait la vie, alors que des bandits l'avaient laissé à demi-mort. « Prends soin
de lui en souvenir de notre amour». La voilà à un dur tournant de sa vie. Elle souffre,
et se demande ce que veut le Seigneur. Elle va chercher réconfort chez songuide spirituel, Monsieur Bréguier dit St-Pierre,
sulpicien, qui lui remet une image de la Vierge, seule au pied de la croix, avant la mise au Tombeau de Jésus,
et lui recommande d'aller prier et réfléchir.
Prière et contemplation transforment peu à peu la
jeune veuve; elle décide de ne pas se remarier : « son mari, ses enfants, ce
seront désormais les pauvres ». Elle va à la misère et son cœur est touché par
les souffrances rencontrées : personnes âgées, seules, infirmes, malades. Elle
ouvre sa maison, emploie les biens laissés par son mari pour trouver des
refuges, s'entoure de bénévoles, de dames de charité, pour mieux servir ses
protégées. Une autre forme de vie habite Émilie; les besoins se multiplient :
victimes d'épidémies, prisonniers, prêtres âgés ou malades; elle se donne sans
compter et travaille même à donner à son œuvre la stabilité en obtenant
l'Incorporation civile. Elle poursuit son action charitable, assurée qu'elle est là où Dieu la veut.
Pourtant un autre événement vient
bouleverser ses plans et sa vie. Mgr Bourget songe à assurer la perpétuité de
l'œuvre de sa diocésaine en la confiant à une congrégation religieuse. Émilie
collabore à la décision de son évêque et reste disponible à ce qui se prépare,
sachant que « les voies de Dieu ne sont
pas nos voies ». Aucunement attirée à la vie religieuse, le 2 février 1842,
Émilie s'engage par un vœu privé à «continuer
de servir les pauvres, tant que ses forces le lui permettront ».
Lorsque le projet de faire venir des
Sœurs, de France, échoue, et que Mgr Bourget décide de fonder sa propre
communauté religieuse canadienne, elle reste fidèle à son don; elle accepte de
former les novices à l'œuvre qui lui échappe des mains, sans penser une minute
à se joindre à cette communauté naissante.
Mais la grâce continue à agir en son
âme... La transformation progresse
toujours chez elle; Émilie perçoit un appel à se donner davantage; elle s'offre
à Mgr Bourget pour prendre rang parmi les novices; il hésite, mais elle revient
à la charge et finalement l'évêque « qui reconnaît en elle, la fondatrice dont il a besoin »
accepte, et lui confie même un mandat : il l'envoie à Emmitsbur aux États-Unis,
chez les Filles de la Charité pour visiter leurs œuvres et obtenir une copie de
leurs Constitutions. Au lendemain de son retour, le 8 octobre 1843, elle prend
l'habit des Filles de Charité Servante des
Pauvres.
La transformation de ses habitudes, de ses idées, de son
genre de vie se fait, non sans
souffrances, sans heurts, sans larmes parfois mais dans son cœur elle sent la
PAIX. Professe, le 29 mars 1844, élue supérieure le lendemain, elle se met
entre les mains de Celui qui l'appelle au « toujours plus et au toujours mieux
». Sa foi, son humilité, sa patience, sa tolérance se renforcent au rythme des
événements, des besoins qui se présentent, ou que son évêque Iui demande
d'ajouter à ceux qui occupent ses journées.
Oui, son âme se transforme... et quand un jour, son évêque se fait
incompréhensif et exigeant, malgré la blessure du cœur, elle voit encore la
main de Dieu qui la transforme. FIAT! Une réponse des plus détachées, des plus
humbles, à la lettre de reproches de son évêque, à qui elle offre même sa
démission, rassure Mgr Bourget.
Mère Gamelin continue, au jour le jour, sa mission de providence dans le
plus grand dévouement pour ses Sœurs et les œuvres de charité qui s'ajoutent...
Alors qu'Émilie assiste les cholériques, e temps d'épidémie, le divin Maître,
en ce 23 septembre 1851 l'accueille dans son Royaume : «J'ai eu faim, j'ai eu soif... viens entre dans la joie de ton maître
».
Docile à la transformation, que
lui a demandée le Seigneur, el est prête pour recevoir la récompense promise.
Émilie, en ces
temps où la Providence nous appelle à une transformation personnelle et
communautaire, donne-nous, un peu de cet abandon et de cette foi qui t'ont fait
réaliser une mission qui perdure au-delà du temps et des âges.
Providence de Dieu, nous vous remercions de tout! Echos d’Émilie, Volume38 no2 juin 2015
S. Yvette Demers, s.p., Vice-postulatrice
Cause Émilie Tavernier-Gamelin
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