2016-12-27

Madame Gamelin et les Dames de la Charité



 L’année 1828 s’annonçant très rude surtout pour les pauvres, les citoyens de Montréal s’entendirent dès l’automne afin d’aviser aux moyens de prévenir les misères ou de les soulager en temps opportun.


Le 13 décembre 1827, quelques dames réunies chez Mme Gabriel Cotté, sous la présidence de M. Phelan, prêtre de Saint-Sulpice, avait proposé de former une association ayant pour fin de soulager les pauvres.


Cinq jours plus tard, a lieu chez Mme Cotté une nouvelle assemblée d’une cinquantaine de dames, toutes appartenant à la première société de Montréal. Avec l’approbation de Mgr Lartigue et sous la direction des Messieurs de Saint-Sulpice, elles fondent une société qu’elles intitulent: Association des Dames de la Charité. A cette même séance ont lieu l’élection des dignitaires et l’organisation de le Société qui comprendra: 1.un conseil dirigeant; 2. un comité chargé de distribuer la soupe dans une maison de la rue Saint-Éloi, mise à sa disposition ; 3. un comité dont les membres visiteront les pauvres : Mme Gamelin avait alors 27 ans et avait perdu son mari et ses trois enfants et était donc une des associées toute désignée pour ce service. L’une des obligations de ces dames visiteuses sera de mettre les pauvres en communication avec le comité de distribution. A cette même séance, l’assemblée décide que : a) la ration de soupe sera d’une pinte par pauvre; b) que l’on nommera une maîtresse pour instruire les pauvres qui viendront à la distribution et leur faire une lecture pieuse.


Cette association devint populaire dès son début. La Minerve se faisant l’écho de la sympathie générale publia l’article suivant:

« Une institution bien louable vient de s’élever en cette ville. Les dames canadiennes se sont formées en Société sous le titre de Dames de la Charité de Montréal. Leur but est de secourir les malheureux: indigents et infirmes, pendant la saison rigoureuse...


Pour seconder les vues bienveillantes et philanthropiques de nos dignes concitoyennes, nous ne devons pas hésiter, s’il le faut, à retrancher quelque chose de nos jouissances, puisque celles que nous éprouverons, en soulageant l’humanité souffrante, nous dédommageront amplement des faibles sacrifices que nous pourrions faire. Le même motif doit exciter puissamment l’industrie de toutes les classes. Une économie bien réglée, une attention soutenue et une application constante et raisonnée aux affaires de son état, mettront chacun de nous à même de porter son offrande. Le degré d’aisance qu’ont acquis une foule d’individus en cette ville sans avoir jamais embrassé de grandes affaires, mais uniquement par l’effet d’une stricte économie et d’une conduite sage, démontre qu’avec une industrie plus développée, il serait facile d’atteindre à un degré de prospérité qui, se manifestant par la formation d’institutions publiques et nationales, élèverait notre caractère et augmenterait notre importance, tout en nous attirant le respect et l’admiration des étrangers. » (La Minerve, 24 décembre 1827).


Bientôt, écrit Mlle Daveluy, la Société des dames de charité disposa de nombreux dons en argent et en nature.

Tiré du livre : L’Institut de la Providence, p.34

2016-12-10

La vie d’Émillie…une transformation perpétuelle

Bien que le mot ne se retrouve guère dans le langage de son époque, Emilie Tavernier-Gamelin, cette première bienheureuse montréalaise, s'est laissée transformer par les événements, tout au long des diverses étapes de sa vie.

Orpheline de mère à l'âge de quatre ans, Émilie se voit transplantée chez une tante paternelle; elle doit s'adapter à un autre milieu de vie, à d'autres habitudes. Les deuils successifs déciment sa famille, mais l'amour du pauvre inculqué par sa mère reste bien ancré dans son cœur. Jeune fille, elle rêve de fonder un foyer bien à elle...

Le 4 juin 1823, Émilie Tavernier unira sa destinée à Jean-Baptiste Gamelin, reconnu pour son action charitable : « ils seront deux maintenant pour exercer la charité ».Trois enfants naissent de cette union; les deux premiers décèdent après trois mois d'existence; à son tour, le mari succombe le 1er octobre 1827, et son dernier enfant meurt, le 28 juillet 1828, avant d'atteindre ses deux ans.

Émilie voit son rêve s'anéantir... Elle reste seule, avec un jeune handicapé mental, légué par son mari qui lui devait la vie, alors que des bandits  l'avaient laissé à demi-mort. « Prends soin de lui en souvenir de notre amour». La voilà à un dur tournant de sa vie. Elle souffre, et se demande ce que veut le Seigneur. Elle va chercher réconfort chez songuide spirituel, Monsieur Bréguier dit St-Pierre, sulpicien, qui lui remet une image de la Vierge, seule au pied de  la croix, avant la mise au Tombeau de Jésus, et lui recommande d'aller prier et réfléchir.

Prière et contemplation transforment peu à peu la jeune veuve; elle décide de ne pas se remarier : « son mari, ses enfants, ce seront désormais les pauvres ». Elle va à la misère et son cœur est touché par les souffrances rencontrées : personnes âgées, seules, infirmes, malades. Elle ouvre sa maison, emploie les biens laissés par son mari pour trouver des refuges, s'entoure de bénévoles, de dames de charité, pour mieux servir ses protégées. Une autre forme de vie habite Émilie; les besoins se multiplient : victimes d'épidémies, prisonniers, prêtres âgés ou malades; elle se donne sans compter et travaille même à donner à son œuvre la stabilité en obtenant l'Incorporation civile. Elle poursuit son action charitable, assurée qu'elle est là où Dieu la veut.

Pourtant un autre événement vient bouleverser ses plans et sa vie. Mgr Bourget songe à assurer la perpétuité de l'œuvre de sa diocésaine en la confiant à une congrégation religieuse. Émilie collabore à la décision de son évêque et reste disponible à ce qui se prépare, sachant que « les voies de Dieu ne sont pas nos voies ». Aucunement attirée à la vie religieuse, le 2 février 1842, Émilie s'engage par un vœu privé à «continuer de servir les pauvres, tant que ses forces le lui permettront ».

Lorsque le projet de faire venir des Sœurs, de France, échoue, et que Mgr Bourget décide de fonder sa propre communauté religieuse canadienne, elle reste fidèle à son don; elle accepte de former les novices à l'œuvre qui lui échappe des mains, sans penser une minute à se joindre à cette communauté naissante.

Mais la grâce continue à agir en son âme... La transformation progresse toujours chez elle; Émilie perçoit un appel à se donner davantage; elle s'offre à Mgr Bourget pour prendre rang parmi les novices; il hésite, mais elle revient à la charge et finalement l'évêque « qui reconnaît en elle, la fondatrice dont il a besoin » accepte, et lui confie même un mandat : il l'envoie à Emmitsbur aux États-Unis, chez les Filles de la Charité pour visiter leurs œuvres et obtenir une copie de leurs Constitutions. Au lendemain de son retour, le 8 octobre 1843, elle prend l'habit des Filles de Charité Servante  des Pauvres.

La transformation de ses habitudes, de ses idées, de son genre de  vie se fait, non sans souffrances, sans heurts, sans larmes parfois mais dans son cœur elle sent la PAIX. Professe, le 29 mars 1844, élue supérieure le lendemain, elle se met entre les mains de Celui qui l'appelle au « toujours plus et au toujours mieux ». Sa foi, son humilité, sa patience, sa tolérance se renforcent au rythme des événements, des besoins qui se présentent, ou que son évêque Iui demande d'ajouter à ceux qui occupent ses journées.

Oui, son âme se transforme... et quand un jour, son évêque se fait incompréhensif et exigeant, malgré la blessure du cœur, elle voit encore la main de Dieu qui la transforme. FIAT! Une réponse des plus détachées, des plus humbles, à la lettre de reproches de son évêque, à qui elle offre même sa démission, rassure Mgr Bourget.

Mère Gamelin continue, au jour le jour, sa mission de providence dans le plus grand dévouement pour ses Sœurs et les œuvres de charité qui s'ajoutent... Alors qu'Émilie assiste les cholériques, e temps d'épidémie, le divin Maître, en ce 23 septembre 1851 l'accueille dans son Royaume : «J'ai eu faim, j'ai eu soif... viens entre dans la joie de ton maître ».
Docile à la transformation, que lui a demandée le Seigneur, el est prête pour recevoir la récompense promise.

Émilie, en ces temps où la Providence nous appelle à une transformation personnelle et communautaire, donne-nous, un peu de cet abandon et de cette foi qui t'ont fait réaliser une mission qui perdure au-delà du temps et des âges.
Providence de Dieu, nous vous remercions de tout! Echos d’Émilie, Volume38 no2 juin 2015
S. Yvette Demers, s.p., Vice-postulatrice


Cause Émilie Tavernier-Gamelin