2015-12-05

Émilie et les aînés

Les  aînés n'ont-ils pas  été  à  l'aurore de nos  existences, ceux qui ont guidé  nos pas, orienté nos actions, écarté de notre route les obstacles, et soutenu  de leurs  conseils  et de leur  prière, nos vies  d'adolescents  puis  d'adultes.

Émilie savait découvrir ceux et celles pour qui le grand âge fait bond arrière et qui se retrouvent parfois au matin de leur existence dans leur comportement physique et psychique; ceux-là qui ont besoin à leur tour d'une main tendue, d'un cœur accueillant, d'une âme faite de compassion et de compréhension, même si entre le point de départ et le point d'arrivée, il y eut parfois des ombres au tableau des générations.

Retrouvons-la, Émilie, la toute donnée, auprès de Dodais, l'être privé de raison, qui réclame d'elle les soins les plus empressés; pendant de longues années, elle oubliera sa jeunesse et sa liberté pour lui être disponible et dévouée. La vieille maman de ce pauvre idiot, la suivra de son regard reconnaissant et Émilie leur sera présente jusque dans la mort.

Suivons-la, Émilie, sur la rue Ste-Catherine d'alors( 1830…). Son grand cœur trouvait trop étroite la maison qui avait abrité Jean-Baptiste et leurs trois poupons. Partis, elle sollicitera espace plus grand pour les « aînées » qu'elle a vus de ses yeux, dans de pauvres mansardes. Et le bon curé du temps lui donnera le bas d'une école, à l'angle de la rue St-Laurent, pour seconder son désir de leur venir en aide.

Trop petit bientôt, ce local se déplacera vers l'ouest, et cette fois à l'angle des rues Ste-Catherine et St-Philippe, pour être à la mesure d'un cœur qui s'élargit, face à la souffrance du grand âge. Cette résidence  était située à l'actuel Complexe Desjardins.

Mais, à Dieu ne plaise, d'autres attendent et requièrent des services aussi nombreux que nécessaires. On emménagera ailleurs pour  donner libre cours aux dévouements multiples pour ceux que l'âge a  perclus ou obnubilés. Ces « aînés » ont droit à plus d'attention et plus  d'amour que quiconque, et Émilie ne compte plus les heures et les jours, ni les années mêmes, elle ne compte pas davantage sur sa propre sécurité, ni sur une vie rebâtie sur ses deuils ou ses possibilités; seul compte pour elle l'amour de Dieu -qui se fait Providence- dans un amour  du prochain, chaque jour renouvelé.


Et là, tout près, sur le versant nord de cette même rue Ste-Catherine, l'Asile de la Providence naîtra pour perpétuer, par Émilie et ses filles, ce don héroïque et persévérant dont Montréal bénéficiera jusqu'à l'aurore de l'an 2000. C'est ce qu'on appelle des « aînées" devenues aînées à leur tour, pour préparer la voie aux aînées de demain, car ainsi va la vie sous le regard de la Providence.  

Extrait d’une lettre de sœur Thérèse Frigon, s.p.

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