2014-02-09

A LA PAROISSE ST PIERRE CLAVER

MES SALUTATIONS À CHACUNE DES PERSONNES ICI PRÉSENTES.

Il me fait plaisir d’être avec vous, aujourd’hui, pour faire mémoire des patriotes, ces canadiens-français du 19e siècle qui sont passés à l’histoire et dont le souvenir nous est rappelé, chaque année, en février et en mai. Nous parlerons également d’Émilie Gamelin qui a été proche des patriotes et de leurs familles. Avec d’autres femmes, elle a montré par sa vie qu’elle croyait au Dieu Providence qui demande notre collaboration pour réaliser ses plans.

Avant les troubles de 1837, les canadiens-français protestaient déjà au sujet des conditions qui leur étaient réservées; il y eut des articles de journaux, des rassemblements dans les rues, pour dénoncer les injustices envers eux et l’abus de pouvoir du Conseil législatif. Certains parmi eux sont emprisonnés, puis relâchés et les manifestations se continuent en différents endroits de Montréal ou de la vallée du Richelieu. Les hommes mènent leur combat politique contre la domination anglaise afin d’obtenir un gouvernement responsable, formé de canadiens-français élus.

Pendant ce temps, les femmes organisent un combat social et développent tout un réseau de services en faveur des familles démunies. On pourrait nommer plusieurs de ces femmes, mais une figure émerge, reconnue par les autorités civiles du temps, c’est Madame Émilie Gamelin. Sans richesse, sans pouvoir, sans moyen apparent, c’est avec son cœur tout de compassion et de charité qu’elle se fera accepter en prison pour apporter un peu de réconfort aux dames et aux malades mentaux incarcérés.

Quand les patriotes arrivent à la Prison Au Pied-du-Courant, en 1837, Madame Gamelin obtient du shérif, qui pourtant refusait toute visite, la permission de visiter les prisonniers, de leur apporter un peu de soupe et de pain, ainsi que des vêtements. De son cœur charitable, elle trouve moyen d’adoucir les mauvaises conditions de détention, se faisant messagère des familles et des prisonniers, priant avec eux et leur distribuant des images de N.D. de la Délivrance. Le régime carcéral aurait été insupportable sans le réconfort des visites de Madame Gamelin qui avaient la vertu d'atténuer l’amertume des privations. Dans la ville, on reconnaît Émilie Gamelin comme «l’Ange des prisonniers politiques».

Des témoignages nombreux confirment l’importance de son action qui n’avait rien de politique, mais était inspirée de sa charité et de la force de son implication citoyenne dans son milieu. Entre autres témoignages, le notaire Jean-Joseph Girouard, lui-même patriote et prisonnier lors des troubles de 1837, reconnaîtra plus tard en Madame Gamelin une femme toujours prête à secourir les infortunés et les plus malheureux. Un fait historique est à mentionner: on doit à Madame Gamelin d’avoir reçu des mains de François-Marie-Thomas Chevalier De Lorimier, la veille de son exécution à l’échafaud, une lettre à son épouse et une autre à ses compatriotes qui tient lieu de testament. Elle remettra à son épouse les précieux documents et passera la nuit en prière avec elle.


Mais qui était donc cette Madame Gamelin ?
Née avec le 19e siècle, le 19 février 1800, elle était la dernière d’une famille de 15 enfants, dont 9 étaient déjà décédés à la naissance d’Émilie. La famille Tavernier était installée sur une terre appelée ‘Fief Providence’, située au nord de l’actuel parc Jeanne-Mance, à Montréal; un détail ordinaire peut-être, ce nom de Providence, mais qui aura son importance dans la vie d’Émilie car le peuple donnera plus tard à son œuvre le nom de ‘providence’ , en se disant les uns les autres : ‘C’est une vraie providence ou allons à la providence’ !

Émilie Tavernier avait hérité de sa mère, surtout, un cœur de compassion et une grande générosité envers les démunis. Orpheline de mère à 4 ans, de père à 14 ans, elle est recueillie par une tante; elle ira aider son frère devenu veuf et sa cousine de Québec lors d’une grossesse difficile. A son retour à Montréal, elle fera la connaissance de Jean-Baptiste Gamelin, de 27 ans son aîné, pomiculteur, bourgeois et bienfaiteur envers les pauvres. Même si auparavant, Jean-Baptiste avait dit NON deux fois au pied de l’autel, Émilie accepte de l’épouser. Ils contractent mariage, deviennent parents de trois enfants qui décèdent successivement quelques mois après leur naissance; son époux partira de même, de sorte qu’à 28 ans, elle est veuve et seule dans sa douleur. Après quelque temps de deuil , elle trouvera dans la prière et dans la contemplation d’une image de la Vierge des Douleurs, la force de se lever, d’aller vers les autres, marchant dans les rues de la ville à la rencontre de plus malheureux, oubliant ses propres souffrances.

Durant 15 ans, elle continuera ses implications auprès des pauvres jusqu’à ce qu’elle fonde, avec l’Évêque du temps, la Communauté des Sœurs de la Providence, en 1843. Madame Gamelin deviendra Mère Gamelin. Elle ne vivra que huit ans dans sa Communauté et décèdera le 23 septembre 1851, d’une maladie contagieuse, contractée dans le service auprès des malades, venus en grand nombre de pays d’Europe. À travers le temps et en différents pays, les Sœurs de la Providence, ainsi que des personnes Associées, amies, collaboratrices, ont voulu poursuivre l’action engagée d’Émilie jusqu’à nos jours, en faveur des plus pauvres, tout en se laissant évangéliser par eux, car nous avons toujours besoin d’apprendre à aimer et à servir cette humanité souffrante en commençant par les plus pauvres, qu’ils soient malades, prisonniers, immigrés, jeunes toxicomanes, orphelines, personnes sourdes, malades mentaux, mères laissées seules ou vieillards oubliés.

En terminant, nous pouvons ici rendre hommage aux patriotes qui ont lutté pour leurs droits, leur liberté de foi et de langue. Il faut louer également leur courage, leur ténacité, leur amour de la patrie. Les Jeunes Patriotes et la Société St-Jean-Baptiste, et peut-être d’autres groupes, poursuivent, encore aujourd’hui, l’engagement de ces hommes valeureux que furent les Patriotes de 1837-39.

Nous rendons hommage également à Émilie Gamelin et nous rendons grâce au Dieu Providence pour cette vie si bien remplie et totalement vouée au profit des plus faibles que Jésus a tant aimés et à qui il a montré un visage de miséricorde et de tendresse. À nous comme à Émilie, il redit : ‘’J’avais faim…, j’étais seul…, j’étais prisonnier…, et vous êtes venus jusqu’à moi’’. Nous aussi, allons de par les rues, dans nos milieux, et annonçons à tous la Bonne Nouvelle d’un Dieu Providence qui nous aime et nous invite à participer à son œuvre de salut.

Thérèse Drainville, s.p. 16 février 2013, Paroisse Saint-Pierre Claver, Montréal

Aucun commentaire: