Pour souligner la fête d'Émilie Gamelin, voici un texte reçu d'un ami. Belle réflexion! Un hommage à cette grande dame qu'était Émilie et qui l'est encore de nos jours car son message et son héritage sont toujours d'actualité....!
Année B : lundi 25e semaine ordinaire (litbo25l.12)
Mt 25, 31-40; Mère Gamelin : une sortie de table remarquée
L'incarnation, c'est Dieu qui se courbe très bas pour nous étreindre de son amour. Cet abaissement décrit l'humilité de Dieu. Notre foi clame qu'un Dieu s'est identifié aux affamés, aux assoiffés, aux étrangers, aux prisonniers, aux mal-aimés. Qu'il se laisse voir en eux. Le Dieu Jésus se réjouissait d'être avec les gens simples et ceux qui sont rejetés par leur entourage et la société. Il montrait ainsi sa nature profonde, sa divinité dans un visage de miséricorde, de douceur, de tendresse, de bonté débordante.
Ce qu'a compris Mère Gamelin dans sa contemplation de Jésus, c'est que le Dieu de sa foi lui demandait non pas tant de parler de Lui mais de sortir à la manière d'Abraham, de tout quitter afin que les autres puissent Le trouver en sentant combien il vivait en elle et qu'elle vivait en lui. Sa foi «sorteuse» s'exprimait dans l'imitation de la manière de vivre de Jésus qui n'avait aucun lieu où reposer sa tête. Certains sont baptisés mais ne sont pas chrétiens. D'autres sont baptisés mais demeure en eux le vieil homme étranger à une manière de vivre en relation avec les autres. En Mère Gamelin, l'action se mariait avec la jouissance de Dieu, chacune ne gênant pas l'autre (Tauler).
Le style, c'est l'homme lui-même, écrivait Buffon le jour de son intronisation à l'académie française au XVIIe. La manière de vivre de Mère Gamelin disait ce qu'elle était. Son style de vie était une joyeuse nouvelle rendant visible ce qui débordait de son être même. Elle a donné aux démunis sans pasteur de véritables raisons pour continuer à espérer. Son style de vie a fait que les démunis, les indignés, ont rencontré ce Dieu qu'ils cherchaient et qui les cherchaient. Elle a ennobli leur vie. Elle était un «petit verbe», un paradis recherché, une «église» nourrissante. Elle a été multiplicatrice de pains et aujourd'hui nous récoltons des paniers de ce qui en reste (Mc 8, 1-11). Ce qu'elle a été ne passera jamais.
Si nous ne nous laissons pas surprendre par sa manière de vivre, nous n'écouterons que d'une oreille distraite son combat pour les droits humains qui visait les détresses les plus élémentaires et les plus profondes : la faim, la marginalisation, la vulnérabilité de qui est sans vêtements, les itinérants, les déficients intellectuels. Les pauvres ne lui ont pas pris sa vie, elle leur a donné. Aujourd'hui, et je paraphrase la première lecture, si la connaissance même partielle de Dieu nous intéresse, cela nous oblige à prendre son chemin - sors de ton pays - et oser nous faire proche de tous ces «indignés» qui sont les «représentants» désignés et privilégiés de Jésus pour se faire reconnaître. Pour elle la chair des hommes [était] la chair de Dieu (Jean Sulivan, Les hommes du souterrain, Ddb, p. 217).
Allons plus loin. Ce chapitre 25 de Matthieu indique que la rue, peut-être plus que nos églises, est le lieu de la rencontre de Jésus. Voulons-nous être avec le Christ ? Il y a la prière certes, mais avant tout, il y a l'implication sociale que le père Joseph Moingt appelle l'humanisme évangélique. Le père Guy Paiement, très engagé socialement, répétait souvent que le chrétien a l'obligation de sortir de table. Mère Gamelin a fait goûter et voir comme est bon le Seigneur (Ps 22) en adoptant le comportement de l'homme nouveau (Ep 4,24). En sortant de table.
Pour Mère Gamelin, s'il était nécessaire de mettre tout en commun (Ac 2, 44), il était plus urgent de se dépenser elle-même tout entière, dirait Paul (2 Co 12, 15) parce que ce qui demeure, c'est la charité (1 Co 13, 13) en acte. Elle nous enseigne qu'il n'est pas question d'attendre la mort ou même la fin du monde pour rencontrer Dieu. Elle nous fait goûter que la vie éternelle est déjà commencée en nous. J'étais malade, j'avais faim, j'étais un indigné. Elle fut une «briseuse» de solitude et désirait empêcher que le monde se défasse, pour citer Guy Aurenche, qui a lutté plus de quarante ans pour une terre solidaire.
Elle fut dans notre histoire une petite miette de pain qui a nourri avec presque rien, une petite graine de sénevé devenue ce grand arbre indéracinable malgré les tempêtes de notre histoire récente, que sont les «saintetés» de la Providence. Le Royaume de Dieu ne se manifestera jamais par des éclats de puissance. Il se trouve là où des gestes de justice, de paix et de joie dans l'Esprit saint (Rm 14, 17) sont quotidiennement enfouies dans les cœurs.
Il y a pour nous aujourd'hui, un devoir de mémoire (Jean-Paul II) à nous remémorer tout ce que cette femme d'ici a fait en sortant dehors et que les événements du parc portant non nom nous rappelle. Sors de ton pays et va vers le pays que je t'ai montré. À l'heure où s'ouvre un synode sur l'évangélisation, il s'agit moins de parler haut et fort de Jésus mais de sortir dehors pour semer à tout vent un grand projet, celui d'un humanisme évangélique. AMEN.
Gérald Chaput, un ami d'Émilie
Aucun commentaire:
Publier un commentaire