2017-08-07

La Mémoire D'Émilie

VISER JUSTE    Monsieur André Leblanc 



La place Émilie-Gamelin à Montréal, vous connaissez? 
Si vous répondez non, on pourra vous excuser car l’appellation ne date que de l'au­tomne dernier. Avant, on parlait du square Berri pour désigner le parc aménagé en 1992 à l'occasion d'un anniversaire de la ville. On avait alors changé la vocation d'un stationnement de la rue Sainte-Catherine. Or, l'Asile de la Providence et sa très populaire oeuvre de la soupe en avait occupé le site de 1843 à la construction du métro. Mais les passants qui se le rappelaient ou le savaient devaient être rares. Fort heureusement, on a réparé cet oubli et le nom évocateur de Mère Gamelin reprendra la place qui lui revient dans notre mémoire collective.

Mais pourquoi donc parler de cette décision administra­tive dans une chronique de Parabole? À cause de l'impor­tance accordée à la mémoire dans les deux cas.
L'histoire de la rédaction des Saintes Écritures montre, en effet/que c'est en référence au passé qu'on a fixé les tra­ditions d'Israël. Ainsi les voix prophétiques qui nous ont légué le livre du Deutéronome et les autres qui s'en ins­pirent revenaient sans cesse sur les événements fondateurs du peuple et de sa foi : «... garde-toi bien d'oublier les choses que tu as vues»
(Dt 4,9). Des siècles plus tard, lors d'une crise extrêmement grave, un combattant dira à ses fils avant de mourir : «Souvenez-vous des actions accomplies par vos pères en leur temps»
( 1 Maccabées 2,51 ). À peu près à la même époque, mais dans un tout autre contexte, un sage brossera un portrait édifiant des lointains témoins de la foi (Siracide 44-50).

Le Nouveau Testament con­tinuera dans la même ligne. Le chapitre 11 de la Lettre aux Hébreux en est un bel exemple. De son côté, Luc signale deux fois que Marie conservait dans son cœur le souvenir de choses vues et entendues (Le 2,19.51 ). Marc et Matthieu, pour leur part, rapportent le commentaire non équivoque de Jésus sur le geste de la femme lui ayant versé du parfum sur les pieds : «Partout où sera annoncé l'Évangile dans le monde entier, on racontera aussi, en souvenir d'elle, ce qu'elle a fait» (Mc 14,9 ; Mt 26,13).

Émilie a nourri, logé et con­solé le Christ à travers une multitude de pauvres. En perpétuant son souvenir, les autorités'municipales de Montréal nous ramènent, à leur insu sans doute, à un devoir que la Bible a pri­vilégié et qui justifie, une fois de plus, la devise du Québec: Je me souviens.
* Agent de pastorale, Montréal

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