VISER JUSTE Monsieur André Leblanc
La place Émilie-Gamelin à Montréal, vous connaissez?
Si vous répondez non, on
pourra vous excuser car l’appellation ne date que de l'automne dernier.
Avant, on parlait du square Berri pour
désigner le parc aménagé en 1992 à l'occasion d'un anniversaire de la ville. On
avait alors changé la vocation d'un stationnement de la rue Sainte-Catherine.
Or, l'Asile de la Providence et sa très populaire oeuvre de la soupe en avait
occupé le site de 1843 à la construction du métro. Mais les passants qui se le
rappelaient ou le savaient devaient être rares. Fort heureusement, on a réparé
cet oubli et le nom évocateur de Mère Gamelin reprendra la place qui lui
revient dans notre mémoire collective.
Mais
pourquoi donc parler de cette décision administrative dans une chronique de Parabole? À
cause de l'importance accordée à la mémoire dans les deux cas.
L'histoire de la rédaction des Saintes Écritures
montre, en effet/que c'est en référence au passé qu'on a fixé les traditions
d'Israël. Ainsi les voix prophétiques qui nous ont légué le livre du Deutéronome et les autres qui s'en inspirent
revenaient sans cesse sur les événements fondateurs du peuple et de sa foi :
«... garde-toi bien d'oublier les choses que tu as vues»
(Dt 4,9). Des siècles plus tard, lors d'une crise extrêmement grave, un combattant dira à ses fils avant
de mourir : «Souvenez-vous des actions accomplies par vos pères en leur temps»
(
1 Maccabées 2,51 ). À peu près à la
même époque, mais dans un tout autre contexte, un sage brossera un portrait
édifiant des lointains témoins de la foi (Siracide
44-50).
Le Nouveau Testament continuera dans la même ligne. Le chapitre 11 de la Lettre aux
Hébreux en est un bel exemple. De son côté, Luc signale deux fois que Marie conservait dans son cœur le souvenir de choses vues et entendues (Le 2,19.51 ). Marc et Matthieu, pour leur
part, rapportent le commentaire non équivoque de Jésus sur le geste de la femme
lui ayant versé du parfum sur les pieds : «Partout où sera annoncé l'Évangile
dans le monde entier, on racontera aussi, en souvenir d'elle, ce qu'elle a
fait» (Mc 14,9 ; Mt 26,13).
Émilie
a nourri, logé et consolé le Christ à travers une multitude de pauvres. En perpétuant
son souvenir, les autorités'municipales de Montréal nous ramènent, à leur insu
sans doute, à un devoir que la Bible a privilégié et qui justifie, une fois de
plus, la devise du Québec: Je me souviens.
* Agent de pastorale, Montréal
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