Les aînés n'ont-ils pas été
à l'aurore de nos existences, ceux qui ont guidé nos pas, orienté nos actions, écarté de notre
route les obstacles, et soutenu de
leurs conseils et de leur
prière, nos vies
d'adolescents puis d'adultes.
Émilie savait découvrir ceux et celles pour qui le grand âge fait
bond arrière et qui se retrouvent parfois au matin de leur existence dans leur
comportement physique et psychique; ceux-là qui ont besoin à leur tour d'une
main tendue, d'un cœur accueillant, d'une âme faite de compassion et de
compréhension, même si entre le point de départ et le point d'arrivée, il y eut
parfois des ombres au tableau des générations.
Retrouvons-la, Émilie, la toute donnée, auprès de Dodais, l'être
privé de raison, qui réclame d'elle les soins les plus empressés; pendant de
longues années, elle oubliera sa jeunesse et sa liberté pour lui être
disponible et dévouée. La vieille maman de ce pauvre idiot, la suivra de son
regard reconnaissant et Émilie leur sera présente jusque dans la mort.
Suivons-la, Émilie, sur la rue Ste-Catherine d'alors( 1830…). Son
grand cœur trouvait trop étroite la maison qui avait abrité Jean-Baptiste et leurs
trois poupons. Partis, elle sollicitera espace plus grand pour les « aînées »
qu'elle a vus de ses yeux, dans de pauvres mansardes. Et le bon curé du temps
lui donnera le bas d'une école, à l'angle de la rue St-Laurent, pour seconder son désir de leur
venir en aide.
Trop petit bientôt, ce local se déplacera vers l'ouest, et cette
fois à l'angle des rues Ste-Catherine et St-Philippe, pour être à la mesure
d'un cœur qui s'élargit, face à la souffrance du grand âge. Cette
résidence était située à l'actuel
Complexe Desjardins.
Mais, à Dieu ne plaise, d'autres attendent et requièrent des
services aussi nombreux que nécessaires. On emménagera ailleurs pour donner libre cours aux dévouements multiples
pour ceux que l'âge a perclus ou
obnubilés. Ces « aînés » ont droit à plus d'attention et plus d'amour que quiconque, et Émilie ne compte
plus les heures et les jours, ni les années mêmes, elle ne compte pas davantage
sur sa propre sécurité, ni sur une vie rebâtie sur ses deuils ou ses
possibilités; seul compte pour elle l'amour de Dieu -qui se fait Providence-
dans un amour du prochain, chaque jour
renouvelé.
Et là, tout près, sur le versant nord de cette même rue
Ste-Catherine, l'Asile de la Providence naîtra pour perpétuer, par Émilie et
ses filles, ce don héroïque et persévérant dont Montréal bénéficiera jusqu'à
l'aurore de l'an 2000. C'est ce qu'on appelle des « aînées" devenues
aînées à leur tour, pour préparer la voie aux aînées de demain, car ainsi va la
vie sous le regard de la Providence.
Extrait d’une lettre de sœur Thérèse Frigon, s.p.
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